Cette histoire commence au cours de l’hiver 1997-1998 où, me rendant au collège, je passai devant l’unique boutique de jeux vidéo de ma ville. Une télé tournait en permanence (même lorsque le magasin était fermé) avec une console en démonstration. C’était la Nintendo 64. Le jeu, c’était Super Mario 64. Je suis arrivé en retard en cours ce jour-là puisque j’ai dû rester plusieurs minutes à baver sur la vitrine du magasin. La démo du jeu, qui se lance quand on laisse l’écran titre tourner sans toucher la manette, montrait Mario en train de faire diverses acrobaties en 3D. C’était magique, c’était beau, c’était fluide. Je venais de choisir ma future console. Restait à trouver l’oseille.
Au collège, beaucoup de gens se sont moqués de moi quand j’ai annoncé que je prendrais une Nintendo 64. C’était une console de gamins, Mario c’était nul et en plus c’était moche (rien qu’à regarder la casquette de Mario même pas foutue d’être arrondie correctement). Pleinement conscient que ces diverses réactions faisaient intégralement partie du plan machiavélique de Sony pour dominer le monde, je campai sur mes positions et fis le tri parmi mes amis.
Et plusieurs longs mois plus tard, à l’occasion de mon anniversaire, ma môman me fit le plus beau des cadeaux : elle me donna les 500 francs manquants pour acheter ma Nintendo 64 avec Super Mario 64 (y’en avait quand même pour 1399 francs dans ces conneries). Le magasin était à 3km de chez moi, j’avais un problème de surpoids, mais je suis revenu du magasin en courant, la bouche en cœur. Mon grand-frère récemment converti au PCisme, feignant de s’intéresser encore à la chose, m’assista pour brancher la console sur ma télévision. Premier constat : le câble péritel n’est pas le même que sur Super Nintendo : il est composé de trois câbles de couleur jaune, rouge et blanche. Peu importe, je branche et j’allume la console.
La télé affiche de la neige. Je retente l’expérience, ça ne fonctionne toujours pas. Je débranche tout, je rebranche la Super Nintendo, ça marche nickel. J’appelle le magasin pour leur signaler le problème, ils me disent qu’ils ferment dans 10 minutes mais que je pourrai passer le lendemain pour qu’on regarde ça. Horreur. J’avais une console et je ne parvenais pas à y jouer. Les minutes qui suivirent furent les pires de toute ma vie. Je crois me souvenir que j’ai failli pleurer. Quand soudain mon frère eut une révélation divine : le signal vidéo composite n’est pas le même que l’analogique et ma télé est incapable de le repérer d’elle-même. Je tente en mettant manuellement le canal AV et là, miracle, ça fonctionne !
Je pus alors découvrir Super Mario 64 auquel je n’avais jamais joué mais qui me faisait de l’œil depuis si longtemps. Je pris en main avec un bonheur indescriptible la manette la plus controversée de l’histoire (mais qui demeure ma préférée de tous les temps), j’écoutai la princesse Toadstool lire sa lettre (et je mis longtemps à comprendre pourquoi c’était écrit « Peach » en bas de la lettre), je maniai Mario avec une dextérité exemplaire, je fus même touché par la finition du jeu allant jusqu’à faire un joli effet de stores vénitiens quand on appuie sur Reset… Y’a pas à dire, cette console était d’une qualité inégalable. Et la suite de l’aventure me donna entièrement raison avec les jeux qui suivirent et qui m’offrirent mes plus belles expériences de joueur.