C’est l’histoire d’un acharnement, d’une malchance inouïe et d’un soulagement plus grand que quand tu te vides la vessie. Contexte : Baten Kaitos – Les ailes éternelles et l’Océan perdu est sorti depuis un mois. Moi, collégien que j’étais, je prenais plaisir à y jouer un peu les mercredi après-midi et les week-ends. Jusque là, tout allait bien : le jeu est top, les musiques sont top, l’histoire est intéressante, le gameplay aussi, etc. Le côté complètement aléatoire du tirage des cartes renforce un peu la difficulté mais rien n’est insurmontable. Et puis…
La fin du premier disque de Baten Kaitos approche, ça se sent : il ne reste plus qu’un dernier Magnus Ultime avant que Geldoblame n’arrive à ses fins et ne ressuscite le dieu maudit Malpercio. Avant ça, toute l’équipée s’enfuit plus ou moins de la capitale de l’empire, Alfard, et pourchasse le vaisseau de l’empereur. Pas de chance, c’était un piège tendu par l’ignoble Giacomo et ses deux compères, Ayme et Folon, dont Kalas veut se venger pour la mort de son grand-père et de son frère. Forcément, la tension monte, tu sais que le boss qui s’annonce risque d’être coriace : ils sont trois, ils vont certainement attaquer tous en même temps. Et tu l’oublies d’ailleurs un peu parce que le dialogue juste avant le combat est parsemé de questions auxquelles le jeu répondra plus tard.
Et là, hop, écran de combat, ton équipe est face aux trois affreux avec la musique à moitié techno qui te « pump it up » à tout va. Tu respires un grand coup et puis tu pars à l’attaque. Ta stratégie n’est pas trop au point, donc tu te fais démolir logiquement. Tu essayes de changer un peu la stratégie, refais les decks de cartes pour répartir équitablement les objets de soin. Tu te refais démolir.
J’étais jeune et plein de fierté à l’époque, je m’étais lancé dans l’aventure comme un bourrin, sans réaliser que le gameplay comportait quelques subtilités : les chiffres sur les coins des Magnus. C’est expliqué dès le départ et dans le livret du jeu qu’il faut faire suivre les bons numéros (comme au poker) pour augmenter les dégâts. Sauf que je n’avais pas réalisé un truc : le stick C sert à sélectionner le chiffre qu’on veut sur l’un des coins ou côtés de la carte. Je m’en suis rendu compte au cours de ma deuxième partie, je crois. Du coup, ça rend le jeu encore plus coriace.
Le trio de l’enfer est rapidement devenu ma bête noire, comme ça a été le cas pour de nombreux joueurs, apparemment. Le combat est long, hyper long. Et plus tu vois qu’il dure, plus tu te dis que t’es bien parti, que tu vas en vaincre un, puis deux, puis le dernier. Mais non, tu butes le premier adversaire et les deux autres s’énervent, font plus mal, et mettent K.O. L’horreur. Mais tu veux aller au bout du jeu, t’as pas envie d’abandonner, alors tu recommences.
Une fois, deux fois, cinq fois. J’ai perdu le compte en cours, mais j’imagine que j’ai dû totaliser plus d’une trentaine d’essais pour venir à bout de ces trois salopards. La musique du combat était devenue insupportable depuis bien longtemps. Le pire, c’est que plus j’essayais, plus je me sentais sur le point de recommencer une partie parce que l’excuse « niveau pas assez élevé » semblait plutôt réaliste et qu’une fois dans le vaisseau, il est justement impossible de monter de niveau.
Finalement, j’ai réussi à les buter. Et cette fois-là, c’était magique. Hurlement de joie, les poings serrés, presque les larmes aux yeux (non je déconne, faut pas exagérer), etc. Magnifique. L’équipe est sur les rotules, j’ai plus qu’un personnage encore debout et ses points de vie sont dans le rouge. Mais je m’en fous : Veni, vidi, vici. Il reste plus qu’à sortir du vaisseau à temps pour pas avoir un game over. Je me dirige tranquillou vers la plante rouge qui sert à sauvegarder et… là… c’est… le… drame…
COMBAT ! Contre un ennemi à la con. La fuite est impossible sans la carte spéciale, je n’ai pas d’objet de soin dans ma main de départ. Le robot me dégomme. GAME OVER. Je dois recommencer.
L’avantage, c’est qu’après ça, j’étais sûr de pouvoir le faire : plus la peine de songer à recommencer la partie, c’était le jeu ou moi. Sauf que selon Internet, j’étais quand même à un niveau trop bas pour réussir à bien les niquer comme il faut. Du coup, je me suis vite rendu compte que la première fois c’était vraiment QUE DE LA CHATTE parce que j’ai recommencé une petite dizaine de fois sans jamais réussir à les vaincre. En tout, j’ai passé un mois/un mois et demi coincé au même endroit (oui, parce que moi quand je réussis pas un truc, je laisse tomber le jeu pendant un moment avant d’y revenir avec l’espoir d’être miraculeusement devenu meilleur).
Au bout d’un énième combat…VICTOIRE. Je n’ai plus aucun souvenir de ce que j’ai fait à ce moment-là, peut-être que j’ai crié, peut-être que j’ai dansé, peut-être que j’ai pleuré… En tout cas, une fois cette épine retirée du pied, le jeu est devenu tout simplement fabuleux. La révélation qui clôt le premier disque, quelques heures à peine après ce combat dantesque, est phénoménale et tout ce qui suit rattrape le début poussif du scénario et les quelques défauts du jeu.
Dire que lorsque je commence une nouvelle partie, ce combat n’est plus qu’une formalité… Ah, la jeunesse !