Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’en entendre parler et si tel est le cas, il n’est pas encore certain que vous vous y soyez intéressés.

Nintendo of Europe a mis en ligne un « microsite » baptisé Nintendo Kids Club à destination des petites têtes blondes en culotte courte. Si ce n’est pas encore pour cette initiative que Nintendo recevra le prix Nobel de la paix, on peut au moins saluer les efforts sur le long terme de l’entreprise pour préserver son image enfantine sans pour autant renier les vieux que nous sommes. Et c’est vrai qu’il est vraiment très difficile d’éditer un site internet tout public quand on s’adresse autant à un gamin qui veut savoir comment on joue à Kirby qu’à un adulescent qui cherche un DLC pour voir Bayonetta à poil(s).

Armé de mes deux chatons (j’ai pas encore d’enfants donc j’ai fait avec les moyens du bord) mais surtout de mon expérience d’éducateur, je me suis rendu sur le fameux microsite.

L’URL est déjà très facile à retenir : http://microsite.nintendo-europe.com/nintendokidsclub/fr_FR/

D’entrée de jeu, on se retrouve face à un univers coloré et animé qui fait plaisir à voir tant il diffère du site officiel habituel qui nous rappelle encore les heures les plus sombres d’Internet annonçant la mort de Steve Jobs : du blanc et du gris à en chopper une grippe. Ici au moins le ton est donné, Nintendo c’est fun, c’est coloré, c’est mignon. Je suis jaloux que ce site ne me soit pas adressé.

Au niveau de la navigation, on est sur du multiscreen. PC, tablette, Wii U, tout est bon à prendre et votre souris comme votre doigt fera le travail. Techniquement, on a donc un site plutôt réussi, facile d’accès et dont le contenu devrait varier en fonction des actualités plutôt que de se contenter de tout classer dans des rubriques abracadabrantesques que seuls des ingénieurs sont capables de décortiquer.

Et ce contenu, quel est-il ? C’est là que ça pêche selon moi.

On est clairement devant un panneau publicitaire. En même temps on n’en attendait pas moins. L’objectif de ce site est de montrer aux enfants que l’univers de Nintendo est cool et de montrer aux parents qu’il est adapté à leurs mouflets. Le site se vante d’être entièrement pensé pour les enfants de 6 à 12 ans, et effectivement, le contenu est centré sur des personnages mignons comme Mario et Yoshi et les jeux dans lesquels ils apparaissent, à l’exception de Smash Bros. Cependant on ne parle pas des jeux sur ce site, mais uniquement des personnages. Quelques images viennent illustrer les articles et tout en bas de page un peu de pub est faite pour les jeux, mais ils ne sont pas présentés pour leurs intérêts ludiques. Quelque peu déroutant. Ce serait un peu comme présenter le Monopoly en vous racontant l’histoire du notaire en argent qui sert de mascotte. Sur la page de présentation des personnages, les « améliorations » de Mario sont à peine expliquées et une courte vidéo se contente de montrer ce que ça produit. Alors oui, les marketeux savent bien qu’il en faut peu pour faire rêver un enfant et la simple promesse de pouvoir se déguiser en chat et grimper aux murs pourra les faire acheter Super Mario 3D World (d’ailleurs ne l’avons-nous pas fait nous non plus ?).

Mais ça pose tout de même la question de savoir à qui est vraiment adressé ce microsite. Les enfants que je fréquente dans mon métier sont, certes, attirés par des débilités style Mario chat, mais s’ils n’ont pas la possibilité de mettre la main sur le jeu, ils voudront se renseigner, en savoir davantage et ce n’est pas ce genre de microsite qui les dissuadera d’aller regarder Cyprien et Squeezie raconter des blagues sur Youtube tout en montrant leurs photos de jeunesse dont tout le monde se fout éperdument (à part 5 millions de personnes). Et quitte à aller sur Youtube, autant se libérer de l’emprise des sites internet enfantins et venir carrément chercher l’information là où elle est, sur le forum d’intellectuels de jeuxvideo.com ou dans les billets aux hormones de Gameblog.

Remarquez tant qu’un gamin de 8 ans ne tombe pas sur NintenDomaine, ça me va. Le second degré, c’est plutôt à partir de 9 ans que ça se développe 😉

Petits contenus exclusifs du microsite : des puzzles d’une simplicité extrême (j’ai des gamins de 7 ans qui font des 150 pièces autour de moi), des memory qui feront office de passe-temps une fois ou deux et des mots-mêlés dont l’enjeu publicitaire est à peine dissimulé au point d’en détruire totalement l’intérêt. Quand je lisais Picsou Magazine, j’aimais bien les mots-mêlés parce qu’il y avait plein de mots du dictionnaire à trouver dans tous les sens, pas juste les noms des personnages alignés les uns sous les autres.

J’ajouterais que les lettres « jouer » écrites bien visiblement sur la page de garde m’inspiraient autre chose que ces jeux basiques tellement faciles que même un gamin n’aura pas envie d’y revenir après coup.

Reste alors le show de Mario Chat, pour ceux que la voix française de Mario n’exaspère pas. Si vous ne l’avez pas déjà regardé sur Wii U ou sur Nintendo Master (il faut le préciser c’est une exclu, ils sont les seuls à le faire ^^), ça peut être l’occasion d’apprendre plein de choses que vous connaissez déjà. A noter que l’épisode 5 est noté PEGI 12…

Bref, après ce rapide passage sur le microsite, je suis encore sur ma faim. La page adressée aux parents explique bien qu’il s’agit d’un site au contenu adapté qui peut servir de base de discussion avec les enfants. Genre il est conseillé aux parents d’aider leurs enfants à imprimer les coloriages, à découper les formes et tout ça. Ok. Mais étant gamin, moi, ce qui me faisait rêver, c’était des Player One et des Nintendo Magazine de 80 pages avec plein d’infos, des tests, des images exclusives pour me faire saliver et me rappeler à quel point j’étais pauvre. Là, avec le microsite Nintendo Kids, Nintendo ne prend aucun risque et même aucune initiative qui fera date.

J’ai plus envie de croire qu’il s’agit d’un site qui demeurera statique mais qui au moins pourra faire parti du contenu certifié qui peut apparaître dans les tablettes bridées pour enfants. Des tablettes super chères. Le prix à payer pour que vos enfants vous foutent la paix quand vous rentrez du boulot. Ces tablettes n’affichent que des sites certifiés comme celui-ci, de véritables panneaux publicitaires qu’aucun adulte ne prendra le temps d’éplucher, faisant confiance à ce qui a été sélectionné par des marketeux ô combien honnêtes et soucieux de préserver la liberté de jugement des écoliers tout en ouvrant leur conscience aux enjeux d’aujourd’hui et de demain pour un monde libéré de toute forme de barbarie et d’obscurantisme.

Encore une raison qui me rend heureux d’avoir grandi dans les années 90, tiens.