NDM Corporation Building – New York City – 9 heures
Alors que la journée commence à peine, je remarque des comportements anormaux. Mes collègues fuient mon regard, prennent les escaliers au lieu de l’ascenseur. Je ne sais pas ce qui se passe mais je m’attends au pire. Il arriva très vite. En ouvrant la porte de mon bureau, j’y trouve une lettre enflammée, qui annonce le pire de ce qu’un employé de la NDM Corporation peut attendre : j’ai attiré sur moi les foudres de Big A et je n’ai aucun doute sur ce pourquoi il m’en veut.
Accompagné de cette lettre qui commence à me brûler la main, je prends l’ascenseur direction « The Purgatory », ce qui en dit long…
Dans ce sous-sous-sol, le deuxième bureau de Big A trône au milieu d’une tapisserie enflammée. Une fois assis, dans l’ombre accoudé à son fauteuil, il se tourne vers moi et entame la conversation :
-« Je sais que tu as joué à la PlayStation 3 ».
-« C’est vrai. C’était hier soir. »
-« Tu sais ce qu’il en coûte de jouer sur ces machines, mais pourtant tu n’as ni remords, ni honte. Pourquoi ? »
-« Parce que je n’ai pas joué à une merde, mais à un bon jeu. Un jeu qui aurait très bien pu naître chez Nintendo car il en possède les valeurs. »
-« Ah oui ? Intéressant… Raconte-moi un peu tout ça. »
Le jeu le moins original du monde
À première vue, Vanquish n’a pas vraiment l’air d’un jeu qui aurait pu être fait par Nintendo, ni même par un japonais. Il s’agit d’un jeu de tir à la troisième personne qui prend place dans le futur. Les russes ont pris d’assaut une station spatiale gigantesque pouvant abriter plusieurs millions de personnes et menacent de rayer plusieurs mégalopoles terrestres de la carte, grâce à une de leurs technologies.
Sam, un soldat de la DARPA qui ne fumera jamais plus d’une latte sur ses garrots, est envoyé officiellement sur place pour aider une unité militaire, mais également dans le cadre de l’essai d’une nouvelle armure de combat, l’A.R.S (Augmented Reaction Suit), qui permet comme son nom l’indique de développer considérablement les performances humaines au combat.
Cela aurait pu être le scénario de n’importe quel jeu occidental, Call of Duty en première ligne. Les États-Unis sont attaqués mais décident de « ne pas négocier avec les terroristes », phrase entendue une bonne centaine de fois par saison de 24 heures chrono, et déclare la guerre aux mercenaires communistes qui ont renversé le gouvernement russe. Tout ça, c’est dans l’intro !
Une fois le jeu commencé, ça ne s’arrête toujours pas. Les intervenants s’appellent et communiquent avec des acronymes incompréhensibles pour une ambiance bien militaire saupoudrée d’une bonne dose de vulgarité, qui ne perd heureusement pas de son charme dans la VF intégrale !
Après ce bref résumé, difficile de savoir si tout est assumé ou pas… D’un côté, l’ambiance générale n’est pas vraiment à la déconne et le héros est plutôt du genre cool, mais la vulgarité donne à l’ensemble un côté très nanar qui colle plutôt bien !
La cerise sur le gâteau est indéniablement l’esthétisme du jeu. Lorsque l’on parle de jeu japonais et à plus forte raison chez Nintendo, les couleurs sont toujours très présentes et pour Vanquish, ce n’est absolument pas le cas ! Il y a quelque années, une blague consistait à dire que les jeux Gears of War étaient des jeux gris et que les suites n’en apportaient que de différentes nuances. Entre temps, Vanquish a débarqué et en comparaison, Gears of War est presque aussi coloré qu’un Mario ! Forcément, avec votre apparence de robot, sous votre armure, qui bute d’autres robots sur une station spatiale, l’ensemble est très très gris et ajoute d’autant plus de crédibilité à une ambiance de guerre futuriste. Il vous suffit de regarder la sélection d’images de cet article pour vous en faire une idée, ça sera comme ça durant tout le jeu.
Oui, c’est un jeu de guerre, tout gris et avec un scénario bidon. Sur le papier, ça ne donne pas du tout envie et si un studio occidental l’avait développé il serait tombé dans l’oubli pour avoir été un énième clone de Gears of War. Sauf que non.
Nippon Banzai !
Vanquish est un jeu développé par PlatinumGames, un studio japonais fondé par des anciens de chez Capcom, et plus particulièrement sous la direction de Shinji Mikami, créateur de la série Resident Evil. Sur consoles Nintendo, vous les connaissez pour MadWorld, mais aussi pour Bayonetta, et ils représentent à mon humble avis le dernier bastion du jeu vidéo japonais comme on les aime, avec Nintendo.
Que ce soit dans la forme ou le fond, PlatinumGames sont presque les derniers à nous faire du gros jeu sans le vendre en kit, ni faire pitié sur la production par rapport aux occidentaux, et Vanquish en est un excellent exemple. Bien qu’il absorbe tous les codes scénaristiques et vidéoludiques de jeux comme Gears of War ou Call of Duty, de l’aveu même du créateur, il en ressort un jeu avec une identité propre qui amène une vision, un savoir-faire et un challenge propre aux jeux japonais.
Ce savoir-faire se distingue tout d’abord par la manière dont l’action est traitée, d’un point de vue scénaristique.
Si les jeux de tirs occidentaux, pour ne pas dire américains, vous placent au cœur d’une équipe qui sera parfois plus importante que le joueur lui-même, Vanquish vous distingue complètement du reste des soldats. De par votre armure et vos capacités hors-normes bien sûr, mais aussi parce que le jeu ne s’intéressera jamais aux autres soldats, mis à part à leur chef et à votre assistante qui ne seront là que pour vous donner la réplique. Votre personnage, Sam, est unique, c’est lui le personnage principal qui va botter le cul des robots russes, pas une escouade Delta ou autre dont les membres ne sont que des robots en attendant que vos potes se connectent pour jouer en co-op. Non, il n’y a pas de multijoueur dans Vanquish !
L’autre grosse preuve de cette production japonaise est que le concept du jeu et son enrobage global ne sont là que pour servir une seule cause : le dynamisme incroyable du jeu.
Grâce à son armure, Sam peut utiliser une sorte de glissade-boost qui le propulse à grande vitesse de part et d’autre du champ de bataille. Cela peut sembler anodin, mais cette action est très pratique pour notre super soldat qui peut grâce à ça aller d’un front à un autre en un clin d’œil et dézinguer d’autant plus d’ennemis dans des arènes parfois assez grandes. Ses fonctions ne s’arrêtent pas à sa vitesse, un ralenti façon bullet-time est aussi disponible avec une certaine manip’. Tout cela n’est évidemment pas gratuit, chacune de ces actions consomme la jauge de l’armure qui, une fois vide, entre en surchauffe et demandera un court laps de temps avant de pouvoir ré-utiliser ses fonctions. Vous serez durant ce temps-là particulièrement vulnérable, car elle gère également votre santé !
Voilà ce qui symbolise selon moi la façon de faire d’un développeur japonais : mettre son idée au centre de son jeu et créer tout le reste pour la justifier ! L’armure A.R.S est bien plus qu’un choix esthétique, elle représente l’originalité et la qualité de Vanquish.
Selon les dires de Mikami, c’est exactement pour ça qu’il a voulu que Vanquish se déroule dans un univers futuriste. Le dynamisme de l’armure de Sam a alors pleinement sa place, tout comme la mise en scène détonante du jeu, qui porte encore une fois la marque des créatifs de l’archipel. Cela n’a échappé à personne, l’armure de Sam fait fortement penser à une sorte de combinaison sentai type Power Ranger version robot (il la contrôle d’ailleurs par la pensée) et le reste de l’univers n’est pas si différent. Les boss sont d’énormes méchas disposant d’énormes canons, ainsi que ce fameux lance-missiles qui en tire deux cent à la fois, très connu dans l’animation japonaise.
Avec les niveaux boss de plusieurs centaines de mètres de haut, les immeubles qui s’écroulent et la capacité particulièrement jouissive de tabasser les ennemis au corps à corps, Vanquish donne déjà envie à tous les fans d’action, mais là où il est le plus impressionnant, c’est que cela ne s’arrête JAMAIS. Même s’il est relativement court, le jeu vous fait vivre un assaut du début à la fin, sans ellipse ni temps mort, ou alors pas plus de deux minutes. Il est d’ailleurs assez compliqué de lâcher la manette car l’action ne nous le permet pas vraiment.
Ce qui différencie Vanquish des autres jeux de tirs, c’est incontestablement sa nervosité : il est le Ninja Gaiden du genre. Si les autres TPS vous forcent plus ou moins à maintenir votre position derrière votre couverture, Vanquish vous incite au contraire à être mobile en permanence quitte à prendre de gros risques et à partir en territoire ennemi pour se faire détruire vite fait ou assumer par votre jeu le rôle de super soldat. Avec ses différents niveaux de difficulté, le jeu de Mikami peut vite devenir très compliqué et ne comptez pas sur l’ordinateur pour faire le boulot à votre place.
Pourquoi Vanquish ?
Pourquoi avoir consacré cet article du traître à Vanquish ? Comme je vous l’ai montré dans la première partie, l’apparence de ce jeu devrait et a dû en repousser plus d’un par ici. Entre l’univers militaire, gris et d’action bas-du-front, on est très loin des productions Nintendo colorées, bon-enfants et ingénieuses. Pourtant Vanquish mérite votre attention, car avec son dynamisme et sa construction, il fait honneur aux jeux japonais, un genre qui se fait de plus en plus rare à l’heure des Monster Hunter lourds, de la prise de risque zéro qu’il y a là-bas et des portables toutes puissantes. C’est de plus un excellent titre qui, encore une fois grâce à son concept, se distingue de la pléiade de jeux de tirs qui ont vu le jour sur cette génération.
C’est également avec cette présentation de Vanquish que je vous encourage à jouer à un autre PlatinumGames qui sortira tout bientôt sur Wii U : Bayonetta ! Il possède les mêmes qualités, malgré une apparence qui peut repousser de premier abord. Contrairement à Vanquish qui sème le doute avec son ton sérieux, l’ambiance de Bayonetta est totalement assumée et est justifiée par le jeu.
PlatinumGames est à mon sens le dernier bastion du jeu vidéo japonais, et si Nintendo souhaite travailler avec eux, il faut les y encourager !