1995. C’est une année qui commence à dater désormais. Une bonne partie de l’équipe NintenDomainienne actuelle faisait encore dans leurs couches, et ne savait guère ce qu’était une manette. Mais MOI mesdames et messieurs, j’étais déjà un(e) grand(e) à cette époque! J’avais déjà quelques bonnes années de loisirs vidéoludiques derrière moi, et j’attendais alors avec impatience les consoles next-gen, à savoir la Saturn et la PlaieStation ! Ne rigolez pas, c’était la révolution tout ça! Alors forcément, un beat ’em all (ou « jeu où il faut taper sur tout ce qu’il bouge », un genre qui sentait déjà un peu vieux) sur la MegaDrive (la 16 bits qui avait fait son temps), ça avait tendance à attirer la curiosité des joueurs. Parce qu’il fallait être sûr de son produit pour sortir une telle chose sur une console pratiquement dépassée. Sega l’était, et il y avait de quoi…
NEW YORK CITY, PRESENT DAY…
En 1995, les beat ’em all ne disposaient généralement pas d’un scénario très élaboré. Streets of Rage vous demandait de tuer du méchant pour arriver au gros méchant d’une organisation (qu’il vous fallait éliminer) ; dans Turtles in Time, on devait se débarrasser de Shredder ; Double Dragon forçait le joueur à buter du keum pour se taper une donzelle… En bref, ce n’était pas spécialement glorieux. Vous imaginez donc bien que Comix Zone a fait sensation : ici, point de ponte de la drogue ou autre femelle à sauver à part le héros, Sketch Turner, dessinateur de comics à temps presque plein (quel nom ironique il porte !).
L’histoire commence par une sombre soirée orageuse où se déroulera des évènements tout aussi sombres et orageux. Notre héros à la queue de cheval blonde est en train de travailler sur son dernier comic, « Comix Zone », qui narre les aventures du « New World Empire » (l’Empire du Nouveau Monde) qui tente de sauver le monde d’une invasion extraterrestre. Avec de tels matériaux, je suis sûr que son œuvre allait avoir un succès d’enfer, mais hélas, un éclair tombe sur l’immeuble où Sketch demeure, coupant ainsi l’électricité et l’empêchant de travailler. De plus, cet évènement permit à Mortus, le grand méchant, de s’échapper du comic et d’y enfermer le dessinateur à sa place. Cette histoire est bien moins capilo-tractée qu’il n’y parait! Car oui, Sketch disposait d’une nouvelle sorte de papier qui devait être relié au courant si on voulait pouvoir dessiner dessus. Ou pas. C’est la seule explication que je vois de toute façon.
Le jeu démarre avec le héros projeté dans le monde qu’il a créé. On est accueilli par le général Alissa Cyan (une femme ! La Terre est sauvée !) qui tout de suite nous prends pour un super héros venu les sauver de l’univers apocalyptique que Sketch s’amusait à gribouiller avec un malin plaisir quelques minutes auparavant. Bien évidemment, Sketch, étant un homme, proteste qu’il n’est pas ce qu’elle croit, qu’il n’a aucun pouvoir, et qu’il ne veut pas y aller, surtout que ça fait peur. Alissa ignore ce flot de paroles inutiles, lui fournit une radio pour qu’ils puissent rester en contact, et l’envoie directement en mission… qui aura pour but de sauver la planète bleue-tendant-vers-le-gris-ces-derniers-temps évidemment.
Mais ça ne s’arrête pas là ! Le grand méchant, Mortus, qui se trouve désormais dans la réalité réelle, prendra à son tour son pied en dessinant de très nombreux obstacles durant votre parcours. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que son but premier n’est pas de vous tuer directement (il lui suffirait de brûler les pages du comic…), mais de vous voir vous battre pour votre vie, et au final périr. Mine de rien, ça explique pas mal de choses sur l’attitude des pas-beaux des livres, films et autres jeux; en fait, ils ne veulent pas réduire en bouillie le héros directement! Ils préfèrent amplement prendre leur temps, en envoyant des sbires de plus en plus fort (et ainsi ne montrer qu’au dernier moment ce qu’il a de meilleur, alors qu’il aurait pu le faire dès le début), et aussi raconter son plan en détail (c’est très important ça !). Comme quoi, les méchants, ce sont des êtres humains comme les autres, ils recherchent également le bonheur.
En bref, vous verrez régulièrement apparaitre à l’écran une main avec un crayon qui dessine très rapidement les ennemis qui joncheront votre parcours. De plus, le décor du jeu est typiquement celui d’un comic : chaque niveau se trouve être une page découpée en plusieurs cases, chacune de ces dernières étant le théâtre de nombreuses péripéties. Pour passer d’une case à une autre, rien de plus simple : butez tout le streum qui s’y trouve, et « sauter » dans la case d’à côté quand la flèche jaune clignotante apparait.
Une sorte d’histoire-prétexte vous fait avancer dans le jeu, et est narrée à travers des bulles, comme dans un comic. Les ennemis parlent et tentent de vous faire peur, Alissa vous tient au courant de ce qui se trame et vous donnera des informations… On a même le droit de savoir ce que pense Sketch Turner ! Tout ça rend très bien et fourni beaucoup de vie à un type de jeu qui généralement se contente de vous demander d’avancer et de tout détruire sur votre passage. Bien qu’il s’agissait d’un jeu 16 bits, Comix Zone se comportait en fait presque comme un jeu 32 bits.
Comme quoi, ils en avaient des idées à l’époque où la plupart d’entre vous faisaient encore pipi au lit.
« WELL DONE TURNER! » « OH YEAH! »
Un beat ’em all classique se déroulait ainsi en 1995 : vous avanciez en mitraillant le bouton d’attaque, avec de temps en temps une petite pression sur celui qui vous permet d’utiliser votre pouvoir (si vous en aviez un). Et c’est là où Comix Zone se démarquait de tout ce qu’il y avait à côté, en proposant un gameplay tirant parti de l’univers dans lequel vous évoluez (pour faire simple, un comic) ainsi que la superbe manette à six boutons que Sega tentait tant bien que mal de vendre (qui a envie d’acheter une manette à 40€ pour sa vieille console alors que la nouvelle génération arrive à grands pas ?!)
Et hop, un nouveau paragraphe pour expliquer ce que je veux dire ! La base du titre est assez simple, avec la possibilité de sauter et de frapper. Les attaques sont d’ailleurs assez classiques : soit vous tabassez le bouton (et dans ce cas, Sketch donnera une série de coups de poings et finira par un coup de pied), soit vous vous baissez pour faire une balayette sur le sol, soit vous sautez pour faire une balayette en l’air. Un futur technicien de surface donc. On peut également déchirer une partie du décor (qui est une planche de comic, faite de papier, je le rappelle) pour faire un petit avion en papier qui fait TRÈS mal, mais qui en contrepartie vous enlèvera un peu de votre vie. Apparemment, c’est parce que vous abimez un bout du monde auquel vous êtes partie intégrante; en gros, vous vous auto-faites du mal. Et moi qui ait toujours cru que Sketch se faisait mal en grattant le mur, qu’il s’abimait les ongles ou quelque chose comme ça, mais il semblerait que j’ai été dans l’ignorance pendant looongtemps.
De temps en temps, histoire de donner une quelconque signification au titre de super héros que vous a attribué Alissa, vous avez la possibilité de vous transformer en un super homme, et déchirer tout le papier de la case où vous vous trouvez sans vous faire aucun bobo, et tout plein à vous ennemis. Ça apporte encore une fois pas mal de variété, tout en restant assez rare.
Le jeu tirait également parti de la manette à six boutons de la MegaDrive, et mine de rien, ça a repoussé pas mal de personnes. En clair, si vous n’aviez pas la dite manette, le jeu en devenait difficilement jouable. Le dernier mouvement dont disposait Sketch Turner était celui d’utiliser des objets. Vous pouvez en garder trois avec vous, et chacun d’entre eux était assigné à un des trois boutons supplémentaires du pad. Sans cet accessoire, vous deviez passer par des manipulations austères et pas pratiques pour un sou, ce qui avait tendance à énerver. Voire gaver grave. Ils auraient vraiment du utiliser un système à la Phantasy Star Online ! Imaginez : rester appuyer sur une touche ouvrirait un menu secondaire où on aurait juste à presser la touche correspondant à l’objet que l’on veut utiliser. Mais bon, PSO n’était pas encore sorti, alors on ne peut pas leur en vouloir !
Le plus utile et intéressant de ces objets était le rat ; votre rat en fait (celui du héros je veux dire. Désolé, il n’est pas possible de jouer avec votre animal de compagnie !). Il porte le doux nom de Roadkill (Tueur de la Route), et est bien plus utile qu’il n’y parait. La bestiole, haute comme un rat (logique) peut se faufiler en-dessous et au-travers d’objets, alors que Sketch (haut comme un humain) ne peut pas. Mais pire encore, le rat est intelligent! Non seulement quand vous le lâchez, il comprends où il faut aller, mais en plus, il sait ce qu’il faut faire! Baisser une manette, appuyer sur un bouton, faire vos devoirs à votre place… Je ne puis m’empêcher de penser que le vrai super héros de ce jeu, c’est le rat, pas vous.
Ceux qui possédaient la manette à 6 boutons devaient également supporter une garde manuelle et pas automatique. En gros, Turner se protégeait automatiquement avec la manette classique, et pas avec la manette à 6 boutons. C’est du racisme pur et dur. D’ailleurs, des têtes sont tombées à cause du ça. Y’a même eu une loi contre, c’est pour dire !
LOOKS NICE! SOUNDS GOOD!
Je crois qu’il n’y a pas besoin d’une grande argumentation pour vous prouvez que Comix Zone est très beau. Il est dans ce qui se fait de mieux sur 16 bits, et n’aurait d’égal que certains titres de SNK sur Neo Geo. En plus d’avoir des décors et des personnages particulièrement détaillés et variés, le jeu se paye le droit d’avoir une animation irréprochable, que ce soit dans la fluidité des mouvements que dans la fluidité du jeu en lui-même. Jamais le titre ne ramera, jamais bug tu ne verras (pas à ma connaissance en tout cas), ce jeu est une vraie perle technique.
Sur un plan artistique, c’est tout autre chose. Pas que ce soit mauvais bien évidemment, c’est juste très spécial, comme NiGHTS. Il s’agit là d’un univers très comic post-apocalyptique (comme c’est étrange), avec donc un design général bien américain. Néanmoins, le tout est vraiment réussi et colle parfaitement à l’univers. Logique, vu que ça se passe dans un comic. Enfin, je dis logique, mais peut-être pas tant que ça vu le nombre de jeux qui foirent, foiraient et foireront leur côté artistique.
J’apprécie particulièrement le héros, avec sa carrure de camionneur (regardez-moi la largeur de ses épaules !) et ses jambes de majorette. Par contre, je déteste le rat. Pourtant il n’a rien de spécial, mais je ne le supporte pas. Peut-être parce qu’il a été la cause de beaucoup de soucis (il est facile à lâcher, mais pas toujours facile à reprendre), et au final, je ne le supporte plus. D’ailleurs, je fini le jeu sans le rat. Je préfère le laisser se suicider, ça vaut mieux! Par contre, je n’arrive en fait que rarement à la fin du titre…
La bande-son elle convient parfaitement à ce jeu perdu entre les ères 16 et 32 bits. Comprenez par là que les musiques et bruitages tentent de faire dans la « qualité CD » avec sa machinerie arriérée. Au final on se tape du hard rock joué en MIDI (un très vieux support musical) et des voix digitalisées crachotantes. Ceci étant dit, les musiques sont en soit excellentes, voire mémorables, et les bruitages donnent encore plus de pêche à un jeu qui en a bien besoin. Aujourd’hui, tout cela parait être assez « bidon » et « classique »; mais nous sommes en 1995 bande de gosses! Avoir des voix digitalisées, c’était être dans l’mouv’, c’était être le plus beau! Quel plaisir que d’entendre Alissa vous féliciter à chaque fin de niveau avec un « Well done Turner! », et lui de répondre « Oh yeah! ». Et que dire de la petite introduction « Test one two… Ahem!… Seeeegaaaa! » qui est auprès des fans quasiment aussi mythiques que le simple cri « Sega » qui démarrait chaque titre de la marque à l’époque 16 bits.
GAME OVER, MAN. THE END.
Ce jeu est d’ailleurs d’une difficulté redoutable. Il est impossible de le terminer du premier coup tant il est dur ! Vous n’avez qu’une seule vie, et le peu d’énergie qui vous est alloué à tendance à diminuer de façon drastique. A ce que j’ai entendu, le méchant vous donnera une autre chance si vous mourez après la première page, mais je n’en ai jamais profité. Ça doit être parce que je suis trop fort. Ou mauvais. Oui, mauvais, c’est le mot. Je dois transmettre un charma négatif, je ne vois que ça…
Dans tous les cas, attendez-vous à vous énervez en face de ce titre de Sega tellement la difficulté est élevée ! Il s’agit sûrement d’une astuce pour palier au temps qu’il faut pour terminer le jeu (une trentaine de minutes en prenant votre temps, c’est pour dire). Ceci dit, on y revient très facilement, surtout que le jeu a la bonne idée de proposer différents chemins pour terminer une page (ou, en d’autres termes, un niveau) ainsi que deux fins différentes. En plus, il est particulièrement défoulant, alors pourquoi s’en priver ?
EN BREF…
HISTOIRE : 16/20
C’est plus pour l’ambiance que pour l’histoire. Au final, ça se résume à « Tu vas tuay le maychant et tous nous sauvay ! » ; mais, le tout se déroulant dans un contexte plus qu’original, ça change la donne, et pas qu’un peu. Miam !
GAMEPLAY : 15/20
Le problème est que le jeu est assez simple à manier, bien plus que ses concurrents. Ceci dit, un bon nombre de bonnes idées viennent remonter le niveau général, même si la majorité du jeu se déroule à tabasser le bouton B, soit à regarder Sketch donner les même coups de poings à l’infini…
GRAPHISMES : 18/20
Magnifiques, exceptionnels, parfaits… Comix Zone est plus que réussi au niveau de l’image. C’est fluide, propre, détaillé et bourré de charisme. Par contre, le rat a vraiment une sale gueule.
MUSIQUES et SONS : 17/20
On a déjà entendu mieux, mais pas souvent. L’ambiance sonore est un des points forts comme un des points faibles du titre. Soit le côté old-school rebute entièrement, et ces mélodies hard-rock sonnent comme une suite de sons datant de Cro-Magnon, soit on tombe sous le charme et fredonnons les musiques en cœur avec le jeu tout en criant le fameux « See ya’! » de Turner.
DURÉE DE VIE : 13/20
Le problème avec les jeux de l’ancien temps, c’est qu’ils étaient quasiment tous très courts. Avant, un jeu, ça se recommençant en boucle jusqu’à qu’on le connaisse par cœur. Comix Zone tombe totalement dans cette catégorie, mais semble parfois subir la pression de la génération 32bits qui elle a tendance à proposer de longues aventures, et dispose ainsi d’une difficulté TREEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEES élevée (et je pèse mes mots), probablement pour allonger le tout.
Note Finale : 17/20
Comix Zone est l’un des piliers de l’histoire des jeux vidéo qu’on se doit d’essayer. Il s’agit là de l’un des plus grands titres de Sega jamais créé, mixant habilement un gameplay assez classique avec de grandes innovations dans un univers particulièrement bien pensé. Malgré sa faible durée de vie, on revient très aisément sur le jeu, ne serait-ce que pour se défouler un peu, et retrouver ces charismatiques Sketch Turner et Alissa Cyan. En plus, Alissa, elle est bonne.