Revenons quelques années dans le passé… Au temps où la 3D était encore un rêve pour les joueurs, où les premiers polygones ont timidement fait leur apparition sur nos écrans de télévision n’affichant jusqu’ici que des modèles en deux dimensions. C’était il y a 14 ans, en 1996 et tout le monde était fébrile face à cette nouvelle technologie. La Super Nintendo affichant fièrement son Donkey Kong Country au moteur graphique révolutionnaire, Sega ne pouvait qu’aller encore plus loin en proposant une sensation de 3D encore plus poussée… Et qui de mieux placé que sa mascotte pour s’atteler à la tâche ? Mais Sonic n’était peut-être pas le plus indiqué pour endosser la 3D…
Un scénario haletant
Sonic, le hérisson bleu courant à la vitesse du son, doit libérer les mignons petits animaux transformés en robots par l’infâme Dr. Robotnik. Voilà pour le scénario, partie suivante.
…
Bon, d’accord, je développe davantage. Hé bien, heu… C’est un scénario bien ficelé avec… des rebondissements, et… A un moment, on ne s’attend pas du tout à ce qui se passe… La fin est vraiment incroyable aussi…
Je vous l’accorde : ça n’a pas évolué d’un poil depuis les débuts du hérisson en 1991… On affronte toujours le même ennemi technologique ayant décidé d’asservir les gentils habitants du monde de Sonic et d’en faire des machines. La critique des dérives de la technologie est toujours là, tapie dans l’ombre, et les ressorts n’ont quasiment pas évolué. En même temps, personne ne s’en plaignait à l’époque !
On notera tout de même une nuance ÉNORME puisque le scénario est clairement énoncé au début du jeu ! Allons, ne parlons pas de cinématique non plus, il ne faut pas exagérer… Mais au début d’une nouvelle partie, vous aurez droit à quelques images et du texte vous annonçant la couleur, au lieu d’être directement jeté dans le premier niveau. Et là, on note une petite différence par rapport aux premiers épisodes du hérisson. Dans cette aventure, il doit sauver les Flickies, de petits oiseaux vivants sur une île, qui sont la proie de Robotnik. Ces oiseaux ont la capacité de changer de dimension en traversant des anneaux géants. Voilà la nuance : plus de lapins, d’écureuils et autres putois à sauver, ce ne sont que des oiseaux. Honnêtement, on s’en fout : Sonic tire autant sa force de son scénario que Metroid de son rythme effréné.
(On combat le mal par le mal, ça évitera à certains de cracher encore un coup sur Metroid)
Des graphismes à couper le souffle
On va directement axer le discours sur cette partie puisque c’était le point central du jeu à sa sortie : un des premiers jeux à exploiter la console à fond et à nous faire naviguer sur 3 plans au lieu des 2 habituels. Une petite révolution à l’époque !
Petite parce qu’on ne peut pas parler exactement de 3D au sens où on l’entend aujourd’hui. Enfin presque… C’est une sorte de 3D isométrique qui servait alors, c’est-à-dire qu’une caméra fixe nous montrait Sonic de haut, vu de trois quarts. Autant dire que ce procédé, toujours utilisé d’ailleurs sur certains jeux, produit son petit effet mais n’est pas réellement de la 3D au sens moderne du terme. On utilise simplement des sprites 3D avec des effets de profondeur collés sur ce moteur physique isométrique. Au final, l’illusion est bien rendue mais ça reste une 2D un peu améliorée ! Allons, ne nous plaignons pas, c’était déjà bien pour l’époque.
D’autant plus que le jeu pouvait se targuer d’être assez joli. Ces textures en 3D étaient vraiment très réussies à la sortie du jeu et je me souviens de mon émerveillement la première fois que j’ai vu le jeu tourner ! La 3D était là, le résultat était saisissant ! Aujourd’hui, certains effets paraissent dépassés et on remarque clairement quelques textures 2D collées dans l’environnement 3D qui font parfois tâche (comme sur certains jeux Wii… Oups !) mais la sensation était bien là à l’époque.
Mais laissons un peu la technique et parlons du rendu dans sa globalité ! On retrouve dans ce jeu les zones classiques d’un Sonic, chacune ayant son identité visuelle propre : le vert de Green Hill, le premier niveau, le rouge orangé du niveau de feu, le bleu givré du niveau de glace, le gris du niveau bourré de technologie… Ca reste classique dans son ensemble mais efficace. Les décors fouillés comportent pas mal de détails intéressants et créant un univers cohérent. Le jeu est parsemé d’effets également assez jolis comme les flammes ou la fumée. Le sol est constamment recouvert d’un damier qui rappelle les textures des sols et murs des premiers épisodes. Évidemment, ça participe énormément à la sensation d’évoluer dans un univers en 3D que de mettre un damier étiré au sol…
Vous aurez l’occasion dans le jeu de voir un autre angle de caméra pour vous retrouver derrière Sonic : ce sera dans les stages bonus pour obtenir des Chaos Emerald. Là, on reprend le système déjà introduit dans Sonic 2 avec l’espèce de toboggan épileptique et poursuivi dans Sonic 3 avec la course sur le damier (rappelant les décors de Sonic 3D, d’ailleurs). Sonic parcourt une sorte de pont semé d’embûches et doit récolter un certain nombre d’anneaux avant d’arriver à un checkpoint. S’il y parvient trois fois, il remporte l’Emerald. Ici encore, l’effet 3D est uniquement obtenu par des textures différentes : le défilement en profondeur n’est qu’un leurre ! Ces sessions bonus sont un peu plus pixelisées et fouillis que le reste du jeu, cependant…
Une maniabilité démentielle
C’est ici que les Athéniens s’atteignirent et que Sonic 3D fut décevant. Le mot est faible, même.
Les bases sont toujours les mêmes qu’avant, pourtant. Un bouton de saut (deux en fait au choix, vu qu’il y avait trois boutons sur la manette Megadrive) et un bouton permettant de se rouler en boule et d’accélérer (le Spin Dash, comme on dit). Cette configuration a été introduite dans Sonic 2 donc elle reste très classique dans l’absolu. La physique est toujours la même également : Sonic démarre avec peine et met du temps pour s’arrêter quand il est lancé, de même qu’il en chie comme pas permis pour monter une pente s’il n’a pas assez d’élan. Tout ceci ne déboussole pas les joueurs ayant connu les premiers épisodes.
Non, là où ça coince, c’est que ce schéma parfait pour les épisodes 2D ne colle plus aussi bien avec la 3D isométrique du jeu. Plus du tout, même. Les déplacements donnent l’impression de glisser sur le sol dans toutes les directions possibles, et sont rendus hasardeux par l’utilisation des diagonales qui étaient assez dures à passer sur la manette Megadrive. L’impression de vitesse énorme qui avait fait la réputation des premiers épisodes passent complètement à la trappe : Sonic ne sortira jamais de l’écran même à fond, et d’ailleurs, la vitesse maximale se traîne lamentablement… Semblant flotter sur le sol, Sonic atteint péniblement des vitesses qui semblent pathétiques par rapport à ce qu’on connaissait avant…
Mais si on a perdu cet aspect de rapidité, c’est parce que l’optique des niveaux n’est plus la même. L’objectif ici n’est pas seulement de rallier l’arrivée le plus rapidement possible, avec un ou cent anneaux. Ici, le but est de sauver les Flickies, vous vous souvenez ? Un niveau se divise en trois actes, le dernier étant le combat contre Robotnik. Dans les deux premiers actes, vous constaterez que le niveau est encore divisé en petites zones. Chaque zone comporte 5 ennemis (ben ouais, c’était la crise à l’époque aussi, on dirait) : tuez-les et vous libérerez à chaque fois un oiseau qui se mettra à voler à vos côtés. Vous devrez rapporter les 5 oiseaux dans un gigantesque anneau interdimensionnel pour passer à la zone suivante. Ce schéma se répétera 2 à 3 fois selon les niveaux. Fini donc la course parce qu’ici, le but est de trouver les ennemis et de récupérer les oiseaux. Oiseaux qui auront une fâcheuse tendance à foutre le camp quand vous vous ferez toucher. Il faudra alors les récupérer et certains s’en vont parfois très loin ! Et le chronomètre a disparu : les zones ne peuvent plus se faire en moins d’une minute mais le jeu s’en fiche, vous pouvez y passer autant de temps que vous le souhaitez. J’ai parfois mis 8 ou 9 minutes parce que je cherchais en plus le maximum d’anneaux afin d’accéder aux stages bonus des Chaos Emerald ^^
On a donc un schéma totalement différent de ce qu’on avait eu jusqu’alors, et ceci est vraiment assez incompatible avec ce qui faisait le charme de Sonic : la vitesse, l’insouciance de savoir si on a tué tout le monde dans le niveau, etc.
A ceci s’ajoutent de grosses imperfections générales… Les sauts sont rendus très imprécis par la vue isométrique et on rate parfois un énorme ressort rouge alors qu’on pensait être dessus… Par exemple, au deuxième niveau, celui des ruines, vous devrez à plusieurs reprises sauter de plate-forme en plate-forme pour avancer. Je mets quiconque au défi d’y arriver en moins d’une demi-heure… Le moyen le plus simple est de prendre de l’élan et de sauter le gouffre en un coup, sans utiliser les plates-formes, tant essayer d’atterrir dessus est impossible… D’autres fois, vous penserez ne pas être sur la trajectoire d’un projectile ennemi alors qu’en fait, si… La vue isométrique est parfois un cauchemar de maniabilité et éviter les nombreux pièges deviendra un calvaire sur la fin, avec des niveaux truffés de pics et d’autres joyeusetés. Je ne parle même pas des zones bonus où vous pensez sauter par-dessus les pièges au sol alors qu’en fait non, vous tombez dessus…
Une bande-son émouvante
Ne soyons pas de mauvaise foi : les musiques sont de bonne qualité 🙂 Les sons originaux ont été gardés : bruit des anneaux, des chaussures de Sonic qui freine, des ressorts… Ainsi que celui, désormais culte, de la caisse enregistreuse de fin de niveau, au moment du décompte des points.
La qualité sonore est donc au rendez-vous, tant au niveau des sons que des musiques. Musiques qui ne sont d’ailleurs pas spécialement reprises des anciens épisodes mais qui collent à chaque fois très bien avec l’ambiance du niveau. J’aime particulièrement celle des Ruines ou du niveau de feu, qui apporte à chaque fois une vraie « couleur » au jeu. De ce côté-ci, le jeu a le mérite d’être réussi. Les musiques ne resteront pas forcément dans la tête mais quand on y rejoue (si on y rejoue), on est content de les retrouver.
J’ai noté quelque chose que je n’avais jamais remarqué plus que ça en préparant cet article, c’est la prédominance des percussions dans les musiques. On a vraiment une batterie à l’arrière qui donne une consistance très affirmée à la musique, et le mariage avec le synthé par-dessus est vraiment, à mes oreilles, très réussi ! En tout cas, à chaque fois que j’entends à nouveau ces musiques, je me revois en train de jouer étant petit ^^
Une durée de vie à toute épreuve
En rejouant à ce jeu il y a quelques semaines, je suis tombé de ma chaise : j’ai fini le jeu sans mourir plus de 4 fois en environ 3 heures… Là, ça a complètement faussé la vision que j’avais du jeu quand j’étais petit. Je ne sais pas si je suis devenu extrêmement bon ou si j’étais très mauvais à l’époque, mais je n’avais réussi à le finir qu’une fois, péniblement, sans voir la vraie fin… Bien sûr, ça avait demandé des semaines, après des parties et des parties où je mourrais lamentablement.
Et là, miracle de la croissance : j’ai torché le jeu avec facilité, sans pour autant me rappeler de tous les secrets et autres… J’ai même réussi à avoir les 7 Chaos Emerald, ce qui permet de débloquer le vrai combat final, qui a alors été une découverte pour moi !
Évidemment, pas de sauvegarde sur ce jeu comme beaucoup à l’époque, ce qui explique une durée de vie de quelques heures seulement. Le jeu reste toutefois assez intéressant de bout en bout : la répétitivité des actions (trouver les oiseaux et les ramener puis passer à la zone suivante) n’est finalement pas plus affirmée que dans les anciens épisodes, quand on y réfléchit. Et les différents environnements font un peu oublier ce schéma. On aura même droit à l’apparition anecdotique d’un oiseau supplémentaire dans le niveau du feu ^^ Par contre, oubliez tout contenu bonus pour augmenter la durée de vie après avoir fini l’histoire. Vous pouvez toujours tenter de récupérer toutes les Chaos Emerald si vous ne l’avez pas fait la première fois mais ce sera tout. Et le hi-score n’est pas vraiment mis en avant par rapport aux précédents opus…
Un bilan qui… oh, et puis zut !
Voilà donc ce qu’on peut en dire au final !
HISTOIRE : sans rire / 20
Les nuances avec le scénario habituel se comptent sur les doigts d’une main de lépreux. On s’en fout, on ne joue pas à Sonic ni à Mario pour son scénario. Sachez juste que l’univers mignonnet affrontant la technologie maléfique est toujours le centre du débat.
GAMEPLAY : 10/20
Juste la moyenne parce que tout n’est pas à jeter mais je suis pas sûr que tout le monde aurait mis autant… Le passage à la 3D se solde donc par un échec pour Sonic qui perd sa substance, à savoir la vitesse. Les passages de plate-forme sont catastrophiques et on se fait piéger plus d’une fois par les nombreux défauts apportés par la 3D isométrique…
GRAPHISMES : 15/20
A l’époque, c’était assez impressionnant mais ça reste une illusion. Les textures sont réussies et l’effet de profondeur fait qu’on se rend pas trop compte que ce n’est qu’une 2D améliorée ^^ Ah, il reste quand même joli, ne faisons pas les difficiles.
MUSIQUES et SONS : 16/20
Du très bon pour les oreilles ! Les musiques ont fait date dans ma tête et évoquent parfaitement les niveaux. Quant aux sons, ils sont hérités des anciens épisodes donc sont de très bonne qualité.
DURÉE DE VIE : 14/20
Dans la moyenne de l’époque, soit quelques heures. Mais autant j’étais mort un sacré paquet de fois à l’époque, autant en le refaisant maintenant, je ne perds quasiment plus… La difficulté n’est donc pas très élevée.
Note Finale : 13/20
Ah, une note un peu sévère mais elle est méritée, je pense. Autant j’aime bien ce jeu, autant je suis conscient qu’il est rempli de défauts. C’est un épisode plutôt réussi sur la forme mais un beau ratage sur le fond, Sonic perdant son âme fougueuse dans les méandres de la 3D isométrique balbutiante (cette phrase alambiquée est sponsorisée par Blueberry).
Drôle d’idée que d’avoir mis Sonic pour inaugurer ce passage timide vers la 3D. Mais vu la notoriété dont il jouissait alors, ce fut un coup de pub bien senti : Sonic faisait vendre, peu importe le jeu. Reste qu’en voulant innover, Sega a obtenu un titre moyen sur bien des points.