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I Am Setsuna

Le

par

On m’avait dit que je me ferais sûrement chier en y jouant. Vu les notes que le jeu a récoltées lors de sa sortie initiale sur PS4 et Steam, il y avait peut-être raison de limiter l’excitation. Et pourtant.
Premier J-RPG du nouveau studio de Square Enix, premier J-RPG de la Switch, I Am Setsuna souhaite renouer avec le charme des RPG d’antan. Peut-être un peu trop selon certains. On va vérifier ça.

Régulièrement, le monde se voit confronté à une recrudescence d’attaques de monstres. Ces créatures hostiles aux humains apparaissent de plus en plus souvent et les chassent sans relâche. Sur une île est alors née une tradition, celle d’envoyer, tous les dix ans, un sacrifice humain pour apaiser les monstres. Mais cette fois-ci, les attaques ont augmenté beaucoup plus tôt que prévu.
C’est Setsuna, courageuse jeune fille, qui est choisie pour accomplir un long et dangereux périple afin d’offrir sa propre vie pour sauver le monde. À ses côtés, elle trouvera divers compagnons, volontairement engagés pour constituer sa garde et la protéger des périls. Parmi ces compagnons, c’est Endo qui joue le rôle de protagoniste, lui qui se retrouve engagé par un homme mystérieux afin d’assassiner le sacrifice humain.

Les prémices du scénario ont tout ce qu’il y a de plus tragique, le dénouement tracé tout droit également. Setsuna semble vouée à réellement mourir à la fin du jeu, sans qu’il y ait un quelconque retournement de situation dont les J-RPG (ou un deus ex machina) ont le secret pour éviter ce destin funeste. En ce sens, I Am Setsuna emprunte quelques aspects aux tragédies classiques, dans lesquelles le sort fatal des protagonistes est presque systématiquement inéluctable.

Le reste se déroule comme la trame d’un RPG classique où le monde doit être sauvé et pendant lequel on croise et rencontre des personnalités diverses, qui rejoignent l’équipe, qui nous aident parfois ou au contraire qui s’opposent à Setsuna, Endo et au reste de la garde du sacrifice. Certains moments clés du scénario se voient venir plusieurs minutes à l’avance, d’autres surprennent un peu plus mais ne font jamais office de bombe narrative.
À une seule occasion, on a droit à une révélation d’importance significative que l’on n’avait pas vue venir. Et ça ajoute une couche tragique à un scénario qui l’était déjà pas mal.

I Am Setsuna aborde tout de même quelques thèmes intéressants qui ont le mérite d’être traités de façon plus subtile que dans d’autres RPG japonais. Que faire de sa vie lorsque l’on a le choix entre la vivre pleinement mais de mourir prématurément ou entre vivre plus longtemps sans avoir d’étincelle ? Faut-il sacrifier un petit groupe de personnes pour sauver le plus grand nombre ou bien abdiquer et préserver sa conscience morale ?



Quand il neige à plein temps, c’est comme du silence qui tombe

Il y a quelques aspects dans I Am Setsuna qui en font un jeu unique. Ça ne le rend pas forcément meilleur que d’autres mais c’est déjà quelque chose d’intéressant à soulever. L’un de ces premiers aspects est la direction artistique et le choix de placer l’action du jeu dans une région totalement recouverte par la neige. Ici, pas d’exploration du monde pour découvrir des forêts luxuriantes ou un désert aride avec une oasis comme seule point d’intérêt. Juste le blanc. Des plaines enneigées, des forêts enneigées, des villages immaculés. C’est spécial et c’est un premier choix assez fort, auquel tout le monde n’adhère pas. Heureusement, chez moi, ça fait tilt très facilement.

Globalement, la direction artistique visuelle est très soignée et les environnements sont presque tous magnifiques. Les environnements naturels, en particulier. La neige rend le tout un peu redondant, forcément, mais il y a beaucoup de jolies choses à y observer, comme les arbres jaune-orange recouverts par leur manteau d’hiver, l’eau des rivières, etc. Il suffit de regarder quelques artworks pour s’en convaincre, c’est ma-gni-fique. Le souci est que les graphismes du jeu ne rendent pas autant justice aux œuvres préliminaires que l’on pourrait penser. La transcription en 3D est assez simpliste, surtout dans les villes et villages. Certains endroits sont, au contraire, particulièrement splendides.

Le second aspect qui donne à I Am Setsuna ce côté unique est la direction artistique sonore. En plus clair, la bande-son. Les RPG japonais m’avaient habitués aux grandes enflures orchestrales, grandioses, épiques ou larmoyantes. Des effusions de sons qui donnent envie de partir à l’aventure ou qui permettent de compatir avec le sort des personnages quand il le faut.
Ici, l’orchestre n’existe pas, tout est minimal. À part quelques ajouts de percussion ça et là, les compositions de Tomoki Miyoshi ne sont jouées qu’exclusivement au piano. Rien d’autre. Et comme avec la neige pour le côté visuel, le piano apporte une tonalité mélancolique supplémentaire à l’univers.





Loss – Tomoki Miyoshi

La première chute de neige n’est pas seulement un événement, c’est un événement magique

Le système de combat est quant à lui régi par des lois immuables du RPG à la japonaise. Tokyo RPG Factory n’avait l’air d’avoir en réalité qu’un seul but : faire du jeu de rôle rétro. Alors on reprend les mêmes recettes, quitte à lorgner très largement sur les copies qui ont fait le succès de Square et Enix à l’époque de la SNES ou de la première PlayStation.
On a ainsi droit à l’un des éléments principaux de la série des Final Fantasy depuis le IV jusqu’au IX : la jauge ATB, qui régit l’ordre des tours des personnages et des ennemis. Même si, dans ce cas, il est impossible de savoir quand les ennemis attaqueront précisément. Certains sont très lents et on a ainsi l’occasion de faire attaquer deux fois de suite les personnages avant que le monstre ne passe à l’attaque lui-même. Certains sont plus rapides, etc.

Il y a également une seconde jauge, la jauge SP qui permet d’utiliser une petite nouveauté de gameplay, le « Momentum ». Cette seconde jauge se remplit principalement lorsque la jauge ATB est elle-même remplie mais que l’on a pas encore décidé de passer à l’action (il faut éviter de sélectionner même une option parmi l’attaque simple, les objets ou les techniques). Une fois la jauge remplie, un petit point scintillant apparaît, pouvant être accumulé trois fois, synonyme de possibilité d’utiliser le Momentum.
En appuyant sur Y au bon moment avant une attaque ou un sort, il est alors possible d’augmenter les dégâts des attaques physiques et magiques ou d’augmenter les capacités de soins de certains sorts (ou d’ajouter des effets comme guérison d’altérations d’état, etc.). Très pratique.
L’autre aspect singulier du Momentum est que, lorsque certaines conditions sont réunies (ou complètement au hasard, en vrai j’ai toujours pas compris comment ça fonctionnait réellement), il est possible d’activer encore d’autres effets bonus, d’une durée limitée : les effets d’objets améliorés, impossible d’être en mort subite pendant 30 secondes, et d’autres joyeusetés.



Lost Spirite

N’ayant pas joué à Chrono Trigger depuis un bail, la comparaison qui se fait entre les deux jeux me passe largement au-dessus de la tête. La comparaison que je peux voir, en revanche, est avec Final Fantasy VII et son système de matérias. Dans I Am Setsuna, nous avons quelque chose qui s’y approche beaucoup : le système de spirites. Les spirites sont des cristaux concentrés d’énergie magique qui permettent d’utiliser certaines capacités actives et de soutien. Typiquement, utiliser des attaques physiques et magiques (Choc, Coup Contondant, Feu, Soin) ou activer des compétences passives qui peuvent booster les PV, les PM, augmenter le taux de coups critiques ou simplement apporter une protection contre tel ou tel élément ou telle ou telle altération d’état.
Au début, forcément, les possibilités sont restreintes, mais à mesure que l’on avance dans le jeu, il est possible d’accumuler et de créer plein de types de spirites différentes pour avoir un panel bien fourni, capable de pallier n’importe quelle situation (notamment sur certains boss coriaces qui peuvent balancer des altérations d’état à tour de bras).

Sachant que chaque personnage possède des Spirites de capacités que lui seul peut utiliser, se forme alors un autre aspect du gameplay : les combos. Dans ce cas-là, les combos sont possibles en combinant différents personnages de l’équipe avec des spirites particulières. Démonstration en un exemple : Endo possède la spirite/capacité « Cyclone », Kiyo la capacité « Charge ». Lors que les jauges ATB des deux personnages sont remplies en même temps, il est alors possible d’utiliser la technique combinée « Coup en croix ». Tout simple et stupidement efficace contre certains ennemis. Et il y a des dizaines de combinaisons comme cela, surtout qu’il est également possible d’associer des techniques de trois personnages pour un combo encore plus dévastateur.

Un point sur les matériaux, sinon : à chaque fin de combat, et en fonction de vos exploits, vous recevez un certain nombre d’objets aux noms mystérieux comme « pièce d’or usée » ou autres. Ces objets sont en réalité des matériaux qui servent à créer différentes spirites auprès d’un PNJ rencontré dans les villages.
Petit conseil d’ami : ne vous ennuyez pas à garder ces objets dans votre inventaire en pensant que ça pourrait servir plus tard. Vendez-les au PNJ, les matériaux seront accumulés de toute manière et cela vous permettra de créer plein de spirites différentes mais aussi d’avoir de l’argent pour acheter objets de soin et armes (car il est impossible de vendre quoi que ce soit d’autre en fait). Donc ne vous inquiétez pas et vendez comme si vous étiez à un vide-grenier !



J’aime :

  • La direction artistique magnifique
  • La bande-son 100 % piano
  • Quand le gameplay prend de l’ampleur

J’aime pas :

  • Les temps de chargement un poil longs
  • Quand l’équipe traîne du cul sur la worldmap
  • La voix japonaise de Keel

I Am Setsuna est un hommage aux classiques du genre tout en étant un peu trop classique. Le sort de l’héroïne -va-t-elle mourir, sera-t-elle sauvée in extremis ?- a beau être intriguant, le scénario tire sur les mêmes ficelles qui durent depuis près de trente ans. Le gameplay est lui aussi un peu daté, même s’il faut noter la disparition des combats aléatoires surprises, remplacés par des ennemis directement visibles dans les donjons. En revanche je mets un point d’honneur à saluer la direction artistique magnifique, même si le passage des artworks au jeu vidéo réel pèche un peu.

L’équipe de Tokyo RPG Factory semble avoir un vrai savoir-faire pour poser une ambiance et une tonalité dans ses jeux. Comme ce n’est que le premier travail du studio, il va falloir attendre de voir ce qu’ils nous proposeront par la suite mais il y aura sûrement de quoi être agréablement surpris, en admettant qu’ils passent également du temps à développer des intrigues et des systèmes de jeux plus originaux que ceux de I Am Setsuna.

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