Le jeu vidéo atteint des sommets. Des millions de dollars dépensés dans la réalisation, un nombre croissant de personnes (jusqu’à 300 !) au travail pendant un temps limité. Le mot d’ordre : rentabilité. Car oui, le jeu vidéo est un marché très juteux. C’est dans ce contexte de productivité que 2D Boy sort son tout premier jeu : World of Goo…
Nan mais qui est 2D BOY ?
2D Boy est une mascotte. C’est la mascotte d’un petit studio nommé 2D Boy. C’est pourtant pas compliqué. Mais là vous allez me demander : c’est qui ce développeur ? Hé bien je vais vous répondre.
2D Boy est un studio (parce qu’on peut l’appeler ainsi), basé à San Francisco (comprenez par là : un appart’ et quelques terrasses de café) composé d’une monumentale équipe de… deux personnes. Leur but : faire des jeux à l’ancienne avec un minimum de moyens (aucun soutien, aucune subvention…)
En gros, 2D Boy est le studio qui nage à contre-courant. Pas la peine d’avoir fait polytechnique pour le comprendre. Les deux personnes qui composent le studio sont :
Kyle Gabler : un ancien membre de chez EA – Maxis qui a travaillé un peu sur la série The Urbz. Il s’est ensuite lancé dans la programmation tout seul avec Attack of the Killer Swarm, un jeu pour Windows très conceptuel dans lequel il faut attraper des gens et les laisser tomber. Dispo gratos sur le net. Il s’est ensuite associé à Ron Carmel pour lancer le studio 2D Boy et leur premier jeu : World of Goo.
Kyle Gabler est également artiste à ses heures perdues, s’étant impliqué dès les années lycée dans la création d’histoires, de strips ou la composition musicale.
Ron Carmel : pareil, un ancien de chez EA qui s’est lancé dans le développement de jeux en flash sur Internet avec Monster Smash. Tapez Google pour y jouer (test de QI : il manque des mots dans cette phrase, pourtant vous en avez parfaitement compris le sens. Saurez-vous retrouver les mots manquants ?).
Ce sont donc ces deux personnes, assistés d’un autre programmeur de chez EA, Allan Blomquist et d’une communauté d’internautes qui ont créé World of Goo. Incroyable, non ? Pourtant c’est vrai.
Et nom di diouh, moi je dis qu’un studio comme ça, ça mérite d’être soutenu, parce que les super productions du jeu vidéo, ça commence à devenir lourdingue ! Vive le jeu vidéo artisanal, vive 2D Boy !
A ce propos : saviez-vous que seuls 4 noms apparaissent dans les crédits de Super Mario Bros. ? Parmi ces 4 noms, on retrouve celui du président de Nintendo (Yamauchi) et du compositeur de la musique (Kondo). Huhuhu ! Peut-on rapprocher les deux jeux ?
Une histoire dans un jeu d’assemblage ?
Oui, parce qu’il y a une histoire dans ce jeu, qu’on le veuille ou non ! C’est d’ailleurs ça qui en fait toute l’originalité, quelque part. Alors avant de parler du concept du jeu, je veux parler de l’histoire… Bon en même temps je suis pas sûr d’avoir tout bien compris, parce qu’elle est quand même relativement tirée par les cheveux.
Imaginons donc un monde tout rond et tout pas beau, le monde de Goo. Qu’est-ce que la Goo ? Hé bien… Comment vous expliquer… La Goo est une substance visqueuse, collante, capable de s’accrocher à ses semblables tels des atomes à la recherche d’électrons. Mais la particularité de la Goo, c’est qu’elle est… vivante ! Et en tant que forme de vie, son rêve est de monter très haut dans le ciel.
Les boules de Goo, il y en a de toutes les sortes. Des noires, des vertes, des rouges qui se gonflent telles des ballons, des blanches qui pendouillent comme de la morve, des mortes qui ne ressentent pas la douleur mais qui ne savent pas qu’elles sont mortes… Il y en a même des moches qui font peur aux autres boules de Goo.
C’est alors qu’intervient une multinationale super hi tech vachement calée dans le produit de beauté : World of Goo Corporation ! Cette société a trouvé dans la Goo un produit miracle qui rend la peau poisseuse, visqueuse, collante, noire et malodorante. Et croyez-moi si vous le voulez : c’est la nouvelle mode ! World of Goo Corporation part donc à la recherche de Goo un peu partout : dans les collines de Goo, dans les décharges, dans des mines fermées depuis des millénaires… et y dépose des tuyaux d’aspirateur qui aspirent, comme il convient de la dire, les boules de Goo. Bien sûr, il faut que ce soit rentable et si un minimum de Goo n’est pas collecté, ça va barder.
Mais tandis que World of Goo Corporation partait à la recherche de ces fameuses boules de Goo, un individu mystérieux se faufila dans les endroits remplis de Goo. Le peintre des pancartes. Il déposa alors des pancartes peintes un peu partout afin de renseigner les curieux sur le sort ou sur les caractéristiques des boules de Goo. Un individu très intéressant et très bien renseigné (il a Internet !).
Plus World of Goo Corporation aspire de Goo, plus elle devient puissante. Heureusement, toute puissance a ses faiblesses. Et c’est dans le réseau informatique que se situe la grande faiblesse de la multinationale. Heureusement, les boules de Goo virtuelles existent aussi ! Et il y en a de toutes les couleurs, pour tous les goûts… Même des boules de Goo virtuelles vérolées ! Incroyable.
Voilà à peu près ce que j’ai réussi à comprendre de l’histoire de World of Goo. Dit comme ça, ça semble être vraiment superflu, mais détrompez-vous, c’est TOTALEMENT superflu ! Et c’est assumé. Une forme d’humour qui varie du dénigrement systématique à la réflexion philosophique. Et tout le monde en prendra pour son grade ! Du PDG de telle ou telle multinationale à pauvre bloggueur boutonneux.
J’adore.
De votre côté, vous êtes qui vous voulez… On peut imaginer qu’au départ vous êtes un employé de World of Goo Corporation qui fait son boulot : ramasser des boules de Goo. Mais passé un certain stade, vous devenez celui qui détruira l’entreprise et qui rendra sa liberté aux boules de Goo pour qu’elles réalisent enfin leur rêve : monter, monter, monter, toujours plus haut…
Bon passons aux choses sérieuses
Je ne sais pas vraiment si on peut parler de gameplay, de jouabilité ou de toute autre forme de charabia socio-culturel bien geek. Ici, on est vraiment dans le concept. Aussi bête que Tetris, aussi ingénieux que Pac-man. On peut considérer que l’on est dans un jeu de puzzle, mais sans l’être réellement.
Le but du jeu est donc, vous l’aurez compris (si vous avez lu l’histoire) d’emmener un maximum de boules de Goo vers le tuyau de l’aspirateur. Celui-ci peut très bien se trouver en haut dans le ciel, ou bien caché derrière un flanc de montagne… ou encore protégé par une scie rotative qu’il ne faut surtout pas toucher sous peine d’éclater. Les boules de Goo vous servent donc à construire une forme d’échafaudage. Mais vous ne devez pas utiliser toutes les boules de Goo, car comme expliqué, le but est d’en faire rentrer le maximum dans l’aspirateur. A vous de trouver l’astuce pour y parvenir.
Il convient donc d’utiliser votre Wiimote pour attraper les petites boules de Goo et construire une structure leur permettant de rejoindre l’embout de l’aspirateur. Maniabilité super simple et plus qu’instinctive, puisqu’un pointeur bien dégueulasse apparaît à l’écran et qu’un seul bouton est utilisé (A ou B, d’ailleurs, vous pouvez choisir). Particularité de la version Wii : vous pouvez jouer jusqu’à 4 ! C’est l’exclusivité Wii, ça. Les versions PC et Mac permettent de jouer en ligne. Voilà.
Je ne ferai pas un inventaire exhaustif de toutes les formes de Goo que l’on trouve ni de toutes leurs capacités, ça serait vous gâcher la découverte. Mais il y a bien plusieurs boules de Goo différentes. La couleur varie, ce qui permet de mieux les repérer. La boule de Goo basique se balade sur les échafaudages construits par ses sœurs. Lorsqu’elle est attrapée, elle vient se coller aux autres pour participer elle aussi à la construction.
Mais attention : je rappelle que la Goo est une substance molle. Aussi, la construction de votre échafaudage ne peut pas se faire sans heurt. En effet, plus vous mettez de poids, plus votre construction risque de se casser la gueule (essayez de faire la tour Eiffel, pour voir !). Là dessus, la gravité est super bien gérée dans le jeu. La construction se déforme, le point le plus lourd a tendance à retomber. Parfois c’est une question d’ingéniosité, parfois de rapidité. A vous de trouver le juste milieu pour passer votre niveau.
Une fois que vous aurez bien enrichi World of Goo Corporation, il faudra penser à la détruire. Ouais, c’est la double casquette du joueur. Donc dans la continuité du jeu, vous serez amené à terminer vos niveaux pour d’autres objectifs… Mais le principe reste toujours à peu près similaire, sauf dans le troisième monde, qui est… Comment dire… Totalement différent du reste du jeu. Mais je ne dis rien là-dessus. Ca c’est dit, ça c’est fait, on peut continuer.
La patte de l’artiste
Niveau réalisation, c’est une 2D très propre à laquelle on ne peut que reprocher la faible résolution de la Wii quand on joue sur un bel écran HD. Mais pour avoir joué à la version PC sur ce même écran, je peux vous assurer que la 2D de ce jeu n’a absolument rien à envier aux grosses pointures du style. Après, le style graphique adopté est… Comment dire. Aussi spécial que l’histoire du jeu, si vous voyez ce que je veux dire. Kyle Gabler a un style de dessin assez particulier (des bonshommes fil de fer avec quelques détails qui tuent) et un trait volontairement hésitant. Coloré et animé, ça a un charme fou. Enfin voyez les images pour vous faire une idée.
Enfin, le summum du summum, la musique. Ambiance très particulière d’entrée de jeu, mélangeant sons synthétiques, acoustiques et performances vocales sur les sons voyelles uniquement. On croirait entendre du Dany Elfman (compositeur attitré de Tim Burton), ce qui n’est pas pour me déplaire :fandedanyelfman:
Gabler (qui s’occupe en fait du concept, du design et de la musique) avoue lui-même s’être librement inspiré de Dany Elfman, donc, mais aussi de Vangelis (des sonorités new age et électronique – il la composé les BO de Blade Runner et 1492 Christophe Colomb), Bernard Herrmann (compositeur attitré d’Alfred Hitchcock), Hans Zimmer (compositeur attitré de Ridley Scott qui a également composé les musiques de Pirates de Caraïbes) et Ennio Morricone (compositeur attitré de Segio Leone qui a participé à d’autres BO depuis de nombreuses années, mais surtout sur des films que je ne connais pas ^^). Bref, une influence très cinématographique, allant de l’orchestral au synthétique. Et ça se ressent.
En bref…
Il y aurait bien d’autres choses à dire car nous sommes ici non seulement en face d’un jeu artisanal comme nous les aimons, mais aussi d’un jeu à univers, c’est à dire un jeu qui nous présente une scène bizarre autour de laquelle il reste encore bien des choses à inventer et à imaginer. Ca fait exactement le même effet que Super Mario Bros à l’époque, et ce n’est pas peu dire !
En clair, je considère World of Goo comme un jeu bizarre, mais beau, agréable, déstressant, peut-être un peu facile et sûrement trop court mais bigrement bien pensé. Chapeau l’artiste ! Je l’ai pour ma part téléchargé une fois puis offert à mon frère (même si c’était parfaitement inutile), juste histoire de mettre un peu de pognon dans ce jeu qui mérite plus que d’être sauvagement piraté comme il l’a été sur PC.
J’aime :
- Les boules de Goo
- L’univers débile
- Les musiques débiles aussi
- La prise en main extrêmement instinctive
J’aime pas :
- C’est trop court X(
- Un poil trop facile
En gros : un concept, un peu de fantaisie, de l’humour et de la Goo. Un jeu à posséder absolument ! Et si vous n’avez pas accès à Internet, dépêchez-vous de trouver un moyen de le télécharger sans quoi vous risquez vraiment de passer à côté de l’un des jeux les plus ingénieux de ces dernières années. J’avoue ne pas avoir pris autant de plaisir sur un jeu vidéo depuis Majora’s Mask. Dommage que l’expérience ait été si courte.
Au passage : j’ai hurlé de douleur en voyant des avis recueillis par la chaîne Nintendo. World of Goo serait d’après les joueurs qui l’ont évalué un jeu grand public pour une utilisation occasionnelle. Je pense l’inverse. C’est un jeu de persévérance (même s’il est facile) qui ne s’adresse pas à des personnes insensibles au charme d’un jeu sans avatar.